
Avec un peu de recul, on se rend compte que la campagne s’articule autour de l’axe le plus simple, le moins anxiogène, celui qui fait croire que l’on peut continuer au fond, sans changer grand chose.
Cinq ans.
Cinq ans à attendre.
Cinq ans à ronger mon frein.
Cinq ans à pester sur des décisions prises en dépit du bon sens.
Cinq ans à espérer.
A espérer non du sang, non des batailles, non des invectives ou des tactiques, non des positionnements ou des mensonges, non des numéros de prestidigitateurs où l’on renie aujourd’hui ce que l’on a promu hier ; où l’on promet pour demain l’exact inverse de ce que l’on a évoqué la veille ; où l’on oublie encore un peu plus le sens de la cohésion républicaine.
Cinq ans à espérer que l’on me parle d’avenir, de bien être, d’humanité, de dignité, d’une feuille de route pour franchir la rupture de civilisation induite par la fin des ressources extractibles conventionnelles, et nous écarter définitivement de la tentation meurtrière de la course poursuite aux ressources extractibles qui furent laissées de côté jusque là. Ce n’est pas un caprice, c’est une question de Salut.
Cinq ans à souhaiter au plus profond de mon être que l’on évoque la solidarité intergénérationnelle, que l’on restaure la solidité des liens fraternels qui devraient nous unir et non que l’on exacerbe des différences artificiellement incompatibles.
Cinq ans à attendre le développement de l’idée de co-responsabilité dans les déséquilibres sociaux, environnementaux, moraux qui nous minent. L’idée de « legs aux générations futures » s’étant transformée en un prétexte pour ne pas agir et se disculper.
Cinq ans à ressentir l’ardente obligation de déconstruire ces catégories factices qui nous empêchent de prendre les bonnes décisions en agitant le plus fragile ou le mouton noir de chaque catégorie selon ce que l’on souhaite cacher ou montrer. Les retraités n’existent pas. Pas plus que les jeunes, les chômeurs ou les immigrés. Il y a des pauvres, des riches, des malades, des gens qui s’en sortent tout juste.
Cinq ans à espérer une campagne présidentielle, tout simplement.
Avec un peu de recul, on se rend compte que la campagne s’articule autour de l’axe le plus simple, le moins anxiogène, celui qui fait croire que l’on peut continuer au fond, sans changer grand chose.
On s’invective sur la présence ou non de cuillères en argent à la table des premières classes en prétextant défendre la qualité des repas de deuxième. Mais l’on omet de se rappeler que les grilles ont été baissées entre les passagers de troisième classe et tous les autres. D’ailleurs, qui pourraient leur rappeler ? Ils sont tous entre eux à nous demander des sacrifices et à s’excuser presque d’exiger des plus riches une taxe de 75% au delà d’un million d’euros de revenus.
Pourtant l’iceberg approche à vive allure.
On s’arrache les idées des autres, les postures de rigueur, on s’accorde sur le retour d’une gloire industrielle passée, on tente de maintenir les industries culturelles qui ne s’adaptent pas, on ignore ou tape sans relâche sur les secteurs qui réussissent.
Pourtant la vigie sonne et personne ne l’écoute.
Je ne serai pas abstentionniste, je serai électeur.
Que doit-on attendre d’une campagne nous engageant pour au moins 5 ans ?
Une organisation thématique des débats permettant au citoyen de se forger un véritable avis sur le fond en balayant l’ensemble des sujets ? Ou un enchainement sans fin du commentaire sur le commentaire du fait divers du moment, aussi dramatique soit-il?
Pourquoi le balayage thématique possible lors de la désignation du candidat socialiste et radical paraît si impossible lors du choix final ?
Est-il acceptable d’accorder autant de temps au décryptage de la gestuelle, des mots, du choix des vêtements, des relations de couple et aussi peu aux effets induits des propositions ou aux propositions elles-même ?
On me répondra que l’information existe sur le web. J’en conviens. Mais la reine structurante des média qu’est encore la télévision est-elle actuellement à la hauteur de l’enjeu ?
N’est-il pas temps de proposer enfin aux citoyens une série de débats de premier tour, réunissant l’ensemble des candidats ou leurs représentants, et abordant les grandes thématiques et sujets sociétaux ?
Pour ma part, j’en suis sûr.
Article mis à jour le 09/04/2012.
(dernière partie modifiée).
précédente version :
Mais, par la Grâce de la République, au nom des idées des Lumières, ne réduisez pas la parole politique à un fait divers.
Organisez des débats thématiques, hors de l’immédiateté, confrontant les idées des uns et des autres. Problématisez les enjeux, ne les réduisez pas à des raccourcis simplistes.
Le citoyen rêve de pouvoir se saisir de son avenir : le débat sur la constitution européenne l’a montré même si j’eus préféré un autre résultat.
Pourquoi le balayage thématique possible pour la désignation du candidat socialiste paraît si impossible lors du choix final ?
Cessez d’employer en permanence les armes de distractions massives. Comment a-t-on pu transformer les élections présidentielles et législatives en une simple occasion de faire commenter les faits divers par du personnel de premier choix ?
Croyez-vous que c’est ainsi que nous ferons tenir la cohésion sociétale lorsque nous engagerons enfin les transformations véritablement nécessaires ?
Au fond, nous manquons peut être juste de diversité de parcours dans la sphère publique, politique, médiatique, pour nous en sortir. Nous manquons simplement d’un soupçon de troisième classe sous les dorures des beaux salons.
Le tocsin s’est joint à la vigie. Les sols s’épuisent, l’eau se pollue, la parole publique se dilue, les citoyens s’enferment dans les intérêts particuliers. Ce n’est pas une affaire de demain ou d’après demain. L’avenir, c’est maintenant.
Très Cher Jean,
si je partage avec toi le constat d’une présidence dangereuse, je ne peux que remarquer que l’éffort d’explication, pendant ces cinq dernières années a été faible. A une politique de l’émotion visant à monter les citoyens les uns contre les autres, nous n’avons su réagir que par l’émotion.
Cela ne suffit pas. Il faut aller en profondeur, mener les débats qui doivent l’être partout. Les lumières ne se diffusent pas seule et à trop renoncer, à ne pas vouloir être exigeant, on facilite le déploiement de débats sans fond et très dangereux.
Malheureusement, l’espace d’une campagne n’est pas suffisant pour faire émerger une conscience politique profonde. Cela ne doit pas nous décourager et le combat des idées continuera après la présidentielle. Nous ne devrons pas alors hésiter à aller au débat, à ne pas nous laisser imposer l’émotion ou le soutien sans pensée à notre camps, mais nous devrons nous retrouver, débattre, éduquer et transmettre.
Bien à toi
Sylvain